Presse Jean Lapouge Duo Un voyage d'hiver
Michel Linker
22 juin 2025
Le guitariste & compositeur Jean Lapouge était le leader du groupe périgourdin Noëtra (fin 70s/début 80s) qui proposait une musique très originale entre jazz-fusion et chamber prog, empruntant à divers courants, de l’école de Canterbury (Soft Machine) au Zeuhl (Magma) et au Rock In Opposition (Henry Cow) en passant par l’impressionnisme et le contemporain. Ce combo qui, autour de la guitare et d’une section rythmique, comprenait, en l’absence de claviers, divers cuivres, vents et instruments à cordes, installait des climats sonores assez voisins des productions ECM, et avait dans cette mesure, intéressé pendant un temps Manfred Eicher, patron de la maison de disque munichoise que Jean Lapouge rencontra en Juin 1980. Mais ce fut le label lorrain Musea qui, au cours de la décennie suivante, allait exhumer le répertoire de Noëtra en publiant deux albums en 1992 et 2000 (‘’Neuf Songes’’ & ‘’Définitivement Bleus’’) ainsi que deux Live (‘’En Direct’83’’ puis ‘’Résurgences d’Errance’’) en 2010 et 2011. Le leader du groupe entama ensuite un parcours solo inauguré par l’excellent ‘’Haut Plateaux’’ (Musea 1993) autour d’un jazz aérien et multiculturel proche de Pat Metheny et du groupe Oregon de Ralph Towner & Paul McCandless. S’ensuivirent plusieurs collaborations, notamment avec son vieux complice de Noëtra, le poly instrumentiste Christian Paboeuf (‘’Atlas’’, ‘’Des Enfants’’, ...) ou encore en Février 2022 avec l’américain Kent Carter qui fut, entre autres, le contrebassiste de Steve Lacy. Dans une formule en duo faisant désormais l’objet de toutes ses préférences, Jean Lapouge publia le 25 mars 2024, l’album ‘’Soir Et Basalte’’ au côté de son fils à la basse électrique. Comme le confie lui-même le guitariste, entre lui et Nicolas qui l’avait déjà accompagné en trio avec Christian Paboeuf dans ‘’Quadrilogie’’ (août 2021), la complicité est telle que ’’le langage des mots est devenu obsolète, voire incongru’’. C’est donc tout naturellement que père et fils se sont à nouveau retrouvés en mai 2025 au studio Oui-Dire de Limoges pour les sessions du ‘’Voyage D’hiver’’ du nom de l’une des peintures en huile sur toile signées par François Lapouge (frère de Jean) qui illustrent traditionnellement ses pochettes de disque. A noter que la sortie de cet album fut annoncée six mois plus tôt par trois de ses titres (‘Marigot’’, ‘’Autokrat’’ & ‘’Baïkal’’) enregistrés en la chapelle d’Ajat (Dordogne) et réunis dans un EP digital paru en Septembre 2024. ‘’Le Voyage d’Hiver’’ regroupe d’anciennes et nouvelles compositions du guitariste, à l’exception toutefois du cinquième morceau. En effet, après ‘’T. On A White Horse’’ (Eberhard Weber, autre influenceur majeur) et ‘’Innocence’’ (Keith Jarrett) qui sur le précédent album, revisitaient deux icones de l’écurie ECM, les deux musiciens font à présent une relecture du ‘’Sea Journey’’ de Chick Corea auquel ils rendent hommage, ainsi qu’au vibraphoniste Gary Burton dont on se remémore entre autres, l’une des versions de ce standard par son ‘’Quartet Live’’ (Burton/Metheny/Swallow/Sanchez) en 2009. Les 8 plages du ‘’Voyage d’Hiver’’ (publié ce 13 Juin 2025) nous plongent donc ici encore dans la quiétude de ces ambiances suaves, éthérées et empreintes parfois de mélancolie ou d’un certain mystère. Dans l’homogénéité de ce répertoire résolument intimiste et dépouillé, ‘’Alpha Du Centaure’’ abandonne au profit d’une pièce atmosphérique, le jazz-rock oscillant entre Mahavishnu Orchestra et Soft Machine qui caractérisait ce morceau dans l’album de Noëtra ‘’Définitivement Bleus’’, tandis que ‘’Madrilènes’’ édulcore la forte couleur latine que lui conféraient en 2010, la section rythmique et une guitare classique hispanique dans ‘’Plaything’’. A l’exception de quelques samplers comme les textures de cuivres accompagnant le somptueux ‘’Moscou’’ qui ouvre l’album, tous ces paysages sonores reposent uniquement sur une magique et savante interaction presque télépathique entre la sensuelle basse fretless Fender Squier immortalisée jadis par Jaco Pastorius, et la fluide Gibson SG qui, pour la petite histoire, fut également l’instrument de prédilection du premier mentor de Jean, le regretté guitariste & chanteur Serge Lelièvre dit ‘Lapin’ disparu le 13 Juillet 2022.
Pour la suite, et parallèlement à un nouveau et imminent duo avec Nicolas, Jean envisage un projet, cette fois en quartette (hautbois/violon/guitare/basse) qui privilégiera fortement l’écriture à l’improvisation. Mais n’en disons pas plus.…A suivre….
Line up :
Jean Lapouge (guitare, programmation)
Nicolas Lapouge (basse)